VDA – Réforme (bi-/plurilingue) de l’école (2)

LES LANGUES – POURQUOI? LESQUELLES? ET SURTOUT COMMENT?

Encore les langues. Surtout les langues, au cœur de la réflexion qui sera ici proposée en vue de la prochaine réforme scolaire. Sans oublier que, à côté, il y a bien d’autres éléments qu’il s’agit de prendre également en compte. Les langues – encore et toujours – car c’est par elles qu’à l’école toute valeur s’acquiert et s’incorpore, que toute pensée se forme et se communique, que toute connaissance se construit et se transmet, que toute activité se réalise et se partage. En somme que toute éducation advient. Les langues – encore et toujours – car, transversales à tous les domaines disciplinaires et à toute connaissance, c’est par elles que le droit à l’éducation est garanti, c’est par leur acquisition solide que le succès scolaire peut être assuré à tous les élèves.

Dans ce qui suit, il sera question des langues présentes à l’école – car parlées par les élèves – et des langues enseignées à l’école et de la perspective dans laquelle il s’agit de les prendre en compte.

Les langues présentes à l’école font partie de ce qu’on appelle le répertoire langagier de chacun: ce sont les langues premières des élèves, celles dans lesquelles s’est réalisée leur première socialisation en famille et dans leur environnement immédiat. Ces langues, centrales pour les processus initiaux de construction identitaire de l’enfant, représentent des atouts que l’école doit accueillir et qu’elle a le devoir d’enrichir et d’élargir par de plus amples compétences dans d’autres langues. Nous y trouverons le francoprovençal, le walser, les dialectes italiens, les langues et variétés de langues, européennes et extra-européennes, de l’immigration, mais aussi – plus subtiles à repérer – les variétés des langues de scolarisation parlées par certains élèves des classes populaires que l’école leur impute comme une incompétence personnelle (à leur façon, il s’agit, en réalité, de bilingues dissimulés).

Les langues enseignées par l’école comprennent au Val d’Aoste, pour le moment:

  • deux langues de scolarisation – l’Italien (souvent langue première d’une grande partie des élèves, mais aussi langue seconde, voire étrangère pour d’autres), le français (au statut ambigu, selon les élèves, en général plutôt langue seconde, mais aussi langue étrangère pour un nombre variable d’élèves). Ces deux langues sont des matières en soi (on y enseigne la lecture, l’écriture, la littérature, la réflexion sur la langue…) , mais elles sont également utilisées par tous les enseignant(e)s dans les autres matières. Suivant les dispositions de lois – et de façon très variable selon les établissements scolaires, les classes et les enseignant(e)s – l’emploi de ces deux langues dans les disciplines touche trois niveaux scolaires: l’école maternelle, l’école primaire et l’école secondaire du premier degré. Les classes de l’école secondaire du deuxième degré peuvent suivre quelques enseignements  bilingues – d’après la volonté conjointe de parents, d’enseignants, d’élèves – souvent en lien avec l’ESABAC, le diplôme binational
  • une langue étrangère (ou plus dans certaines filières de l’école secondaire du deuxième degré) : l’anglais, sans étonnement aucun, mais sans originalité aucune non plus
  • des langues classiques – le latin et le grec – dans certains lycées
  • le francoprovençal et les parlers walser offerts à l’étude de façon optionnelle depuis quelque temps
  • et aussi l’allemand dans la vallée de Gressoney avec un statut assez proche du français.

Tableau bien complexe, pourrait-on affirmer. Pourtant c’est cette vaste palette de langues que la réforme devrait articuler (et non pas juxtaposer) en un projet éducatif plurilingue valdôtain qui pourrait être original et d’avant-garde.

La logique ici proposée – le comment – n’est pas celle qui a prévalu jusqu’ici, c’est-à-dire celle de l’addition. La politique linguistique éducative valdôtaine, qui s’est réalisée dans les temps longs, se résume, en effet, à une série d’ajouts : ajout du français dans les disciplines (si tardivement, hélas, par rapport à 1948), ajout de l’anglais (avant le reste de l’Italie), ajout du francoprovençal (en dernier). Cette logique additionnelle n’a rien d’une politique linguistique éducative pensée, cohérente, structurée. Et si elle pouvait se justifier par le passé, rien ne la motive de nos jours.

Suivant les indications de l’Union Européenne et du Conseil de l’Europe, je propose donc,  une conception globale  ou, comme le suggèrent des sociolinguistes, une vision écologique des langues présentes et enseignées à l’école. Cette conception permet de penser la question des langues dans la réforme non de façon cloisonnée, langue par langue, mais dans un projet global d’éducation bi-/plurilingue qui articule harmonieusement les langues (présentes et enseignées à l’école). Il s’agit d’envisager différentes modalités possibles d’agencement et des choix politiques différents. La figure ci-dessous, visible sur le site de l’Unité des politiques linguistiques du Conseil de l’Europe, représente graphiquement les langues qu’il s’agit de prendre en considération dans toute réflexion sur le curriculum scolaire.

LE_PlatformIntro_fr-scheme_fr-1Cette réforme est la première occasion qui se présente au législateur pour conduire une réflexion globale qui prenne en compte le parcours éducatif complet de l’élève depuis l’école maternelle jusqu’à l’école secondaire du deuxième degré; la toute première occasion pour qu’il puisse donner à l’éducation aux et à travers les langues une cohérence verticale qui n’a été que partiellement assurée à travers des réformes ponctuelles réalisés niveau par niveau. C’est la toute première occasion aussi pour un changement éventuel de politique linguistique éducative, soit en faisant marche arrière si l’on vérifie que l’on n’a pas les moyens de l’ambition affichée, soit en innovant et en allant de l’avant s’il y a une volonté et un consensus social.

Enfin, les langues ne seront pas ici considérées en tant qu’essences en elles-mêmes qu’il s’agit de sauvegarder à tout prix. Ce ne sont pas les langues qui importent en soi dans cette réflexion, ce sont leurs locuteurs et la mesure dans laquelle ils peuvent décider quelles langues ils sont prêts à garder, à défendre, à étudier, à parler, à transmettre à leurs enfants … Sachant que le consensus social s’obtient au moyen d’un débat social franc, fait de rencontres de points de vue différents, entre représentants des divers secteurs de la société, parents, élèves, enseignant(e)s, experts (linguistes, sociolinguistiques, psychologues sociaux, didacticiens, spécialistes de la construction curriculaire …) et décideur,  ce dernier aussi averti que possible des questions de politique linguistique éducative. C’est au moyen de négociations ouvertes et informées que le débat social peut (essayer de) construire le consensus.

Une réflexion au sujet de « VDA – Réforme (bi-/plurilingue) de l’école (2) »

  1. Paolo

    ho letto con tutta la mia possibile attenzione e condivido tutto ciò che scrivi (pur nella mia ignoranza riguardo alla complessità del tema – meglio, dei temi – da te messi in gioco).

    La prima cosa che mi ha colpito è la assoluta trasversalità del tuo pensiero. Dal punto di vista delle “buone” intenzioni, della politica socio-culturale da promuovere, le tue proposte di metodo possono estendersi a qualsiasi dominio dell’esperienza umana: nulla è indispensabile, nessuna lingua neppure, nessuna musica, nessuna danza, nessuna pittura o scultura, nessuna religione e filosofia, ma tutto va promosso, permesso, discusso.

    E comunque, credo anche che ogni aspetto dell’esperienza cognitiva abbia le sue assolute specificità e richieda, dunque, uno specifico e curato impianto metodologico, basato su principi educativi e pedagogici specifici, appunto, e per nulla banali. In sintesi: una indiscussa professionalità da parte di chi tira i fili della conduzione tecnico politica della cosa pubblica.

    Tutto il contrario di come la cosa pubblica mediamente viene gestita: permettendo troppo sovente alla « naturale » incompetenza del politico – non gli si chiede di essere onnisciente! – che deve decidere, di passare per seria e incontrovertibile “scienza”.
    D’altronde la democrazia richiede fatica e non può essere costruita seduti davanti alla tv dei talk-show e del vuoto varietà (a cui uomini ricchi, sicuramente, ma “vuoti” ci hanno abituato in ‘sti ultimi decenni di stanca vita politica).

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